Saint Seiya : la légende du Sanctuaire ou How transformers meet Saint Seiya

OulĂ , bonjour cher blog ! Faute de temps, j’ai un peu dĂ©laissĂ© cet espace web virtuel, mais bon, j’ai commis l’erreur fatale d’aller voir le film Saint Seiya : la lĂ©gende du Sanctuaire au cinĂ©, ce jour…

DĂ©jĂ , et ça reste un point de vue très personnel, qui ne rencontre pas beaucoup de comprĂ©hension de mes congĂ©nères et concitoyens français… je ne supporte pas cette traduction douteuse de « chevalier »… LES CHEVALIERS DU ZODIAQUE ! Non mais, stop DorothĂ©e powa les gars ! Qu’il y a 30 ans, les experts marketing Ă©mettent de doutes concernant la traduction littĂ©rale du mot « saint » dans un pays exemplaire en terme de laĂŻcitĂ©, je peux encore l’accepter… Mais maintenant, dĂ©gager la dimension chrĂ©tienne qui imprègne totalement le rĂ©cit en lui juxtaposant tout une culture mĂ©diĂ©vale qui l’air de rien est hors sujet dans une intrigue qui digère les icĂ´nes de la mythologie grecque, ça me saoule carrĂ©ment.

Alors que j’ai allĂ©grement passĂ© le cap de la quarantaine, je kiffe (notez le verbe faussement d’jeun pour Ă©tablir un contraste un brin putassier et provocant) « Saint Seiya ». « Saint », c’est un terme qui invoque le sacrĂ©, le miraculeux, le vertueux. « Saint » est un terme qui dĂ©signe un hĂ©ros en rĂ©vĂ©lant par avance sa grandeur et son destin hors du commun. Mais bon, on peut pas dire que ce soit encore le cas dans le film minable qui vient de sortir, hein ?! Nan, y a dĂ©finitivement rien Ă  voir avec la sĂ©rie d’antan, avec ses hĂ©ros emplis d’abnĂ©gation qui en bavaient des vertes et des pas mĂ»res afin de sauver leur vĂ©nĂ©rĂ©e dĂ©esse. Oui Monsieur ! Y en avait de l’ascension dans l’ancienne sĂ©rie, de l’Ă©piphanie, de la thĂ©ophanie… du spectacle quoi !

Saint Seiya, c’Ă©tait simplement assister Ă  l’apologie du miracle en dessin animĂ©… Les hĂ©ros se faisaient passer dessus, laminer, dĂ©sintĂ©grer, dĂ©chiqueter… Ă  la fin il invoquait le droit Ă  un gros miracle (avec une rapide prière Ă  AthĂ©na, sans amen), et ils l’avaient. C’Ă©tait beau, Ă©mouvant, poignant, captivant, et unique dans le paysage animĂ© et audiovisuel. Je me rappelle, Ă©mu, Hyoga en train de ramper, rĂ©duit Ă  l’Ă©tat de zombie pathĂ©tique, suscitant la compassion du Saint du Scorpion (changĂ© en femme dans le film en 3d, sans doute pour convenir Ă  des aspirations Ă  la paritĂ© ou simplement parce qu’affubler un dard Ă  une Sainte a peut ĂŞtre Ă©moustillĂ© les scĂ©naristes, je sais pas…)… Je me rappelle Seiya, face Ă  un Aiolia furieux, complètement Ă©crasĂ© et dĂ©sespĂ©rĂ© par son adversaire, supplier « une fois, une fois seulement », avoir la force de surpasser son opposant. Je me rappelle Shiryu, dĂ©cidant d’en finir avec Shura dans une belle imitation du dernier lancement de la fusĂ©e ariane. Je me rappelle Ikki empoignant Shaka dans une sĂ©quence nihiliste et qui reste encore l’exemple mĂŞme de la notion de sacrifice. Je me rappelle Shun, maudissant sa propre nature, incapable d’achever un adversaire qui va pourtant le tuer quelques secondes plus tard.

Des moments incroyables, qui montraient des hĂ©ros humains, ravagĂ©s de doutes et de souffrances, trouvant la foi et s’y accrochant comme des puces sur le dos d’un chien Ă  poils longs, prĂŞts Ă  tout sacrifier pour un idĂ©al, un ami, une cause. L’air de rien, des icĂ´nes qui n’ont jamais Ă©tĂ© d’autant d’actualitĂ© Ă  une Ă©poque oĂą la jeunesse est sans cesse moquĂ©e et bousculĂ©e par un système qui ironiquement les manipule et les transforme en bons petits soldats. Eh, les jeunes, prenez le temps de mater la vieille sĂ©rie, et vous verrez d’autres petits jeunes traitĂ©s de haut par leurs ainĂ©s. Ou alors matez le film, et comprenez qu’on ne vous propose comme philosophie que de l’esbroufe servant Ă  vous tendre un miroir, dont le but est de vous mĂ©tamorphoser en bande de powerangers sous acide. J’ai carrĂ©ment hallucinĂ© en Ă©coutant le discours finale d’AthĂ©na / Saori Kido, qui nous la fait petite fille Ă©lue qui comprend pas mais qui veut bien quand mĂŞme ĂŞtre une dĂ©esse parce que voila, elle a des amis, quoi… Changer le monde, se battre contre l’injustice, c’est trop compliquĂ©, passĂ© de mode, et ça permet pas de faire du marketing direct vendeur de goodies.

Seiya a troquĂ© sa panoplie de combattant infaillible et vertueux pour celle du clown maladroit mais tellement attachant (attachiant ?) ; Shiryu a Ă©voluĂ© en psychorigide maniaque du contrĂ´le, littĂ©ralement assommant ; tandis que Shun et Hyoga sont devenus des beaux gosses interchangeables, aussi lisses que transparents. Reste Ikki, qui a perdu son nihilisme dĂ©sespĂ©rĂ© pour une mâle attitude dĂ©complexĂ©e qui ne lui sert plus Ă  grand chose (« oh mince, j’ai perdu ! »).

Alors le souci, c’est que c’est beau, on a l’impression de mater une compilation des cinĂ©matiques de Final Fantasy, et l’univers dĂ©crit n’est pas dĂ©gueulasse… Ă  condition de s’exonĂ©rer de l’ancienne sĂ©rie, de sa richesse tant thĂ©matique que scĂ©naristique, de la caractĂ©risation formidable des diffĂ©rents protagonistes de l’histoire (hĂ©ros comme adversaires), d’une certaine vision de la femme (contrairement Ă  ce que j’ai lu rĂ©cemment, l’ancienne AthĂ©na elle en avait dans la culotte : pour ceux qui ont un doute, je les invite Ă  visionner le refus qu’elle oppose Ă  un PosĂ©idon gĂ©nocidaire), d’une intrigue savoureuse dont l’issue restait incertaine jusqu’aux dernières minutes de la première sĂ©rie… Ils ont mĂŞme retirĂ© Ă  Saga sa rĂ©demption ces enfoirĂ©s !

En fait, le film est marquĂ© par l’hĂ©ritage des films hollywoodiens produits ces dernières annĂ©es, la franchise Transformers en tĂŞte (y a qu’Ă  voir le petit canon articulĂ© sur l’Ă©paule de Camus… ridicule). Ca pĂŞte de partout, les armures et les personnages se transforment comme les robots de Michael Bay, et on sent le principe du bigger and louder (rien que la scène d’ouverture laisse dubitatif avec une scène digne d’un shoot them up). Si en sus on ajoute les incohĂ©rences (tiens, Hyoga est maintenant Ă  cotĂ© de Shiryu dans la maison du Cancer), les dĂ©lires comiques (la scène avec Masque de Mort, hommage aux pires moments musicaux des films disney), le design très tendance tatoo / jeunes bourgeois bobo (le petit anneau dans le nez ou la lèvre, les tatouages), et la dĂ©structuration mĂ©thodique de l’intrigue initiale pour coller aux contraintes de temps, il ne reste pas grand chose Ă  sauver de ce navet intersidĂ©ral. Voir le massacre rĂ©alisĂ© dans ce film, c’est un peu comme assister Ă  la trilogie du Lord of the Ring rĂ©duit Ă  un trailer d’une heure trente.

Pour ĂŞtre totalement honnĂŞte (oui, ça m’arrive), ce film est une purge en considĂ©ration de l’œuvre initiale. Mais si vous n’avez pas connu ou aimĂ© la sĂ©rie des annĂ©es 80, sa vision peut finalement ĂŞtre une expĂ©rience sympathique, tout du moins visuellement. Personnellement, je n’ai jamais tant aimĂ© la sĂ©rie initiale, qui demeure dĂ©finitivement un trĂ©sor unique en son genre. Et je ne suis pas un regretteur d’hier comme l’a si bien chantĂ© Alain Souchon, mais juste un gars qui n’a pas retrouvĂ© la saveur de ce qu’il apprĂ©ciait avant.

Je vais personnellement tâcher de vite laver mon cortex des restes de ce spectacle abĂŞtissant. Ă€ l’AthĂ©na geignarde et neuneu du film, je prĂ©fèrerai toujours celle qui murmure Ă  un Ikki dĂ©sespĂ©rĂ©, alors qu’elle-mĂŞme git sous la pluie, une flèche dans le cĹ“ur : « Non Ikki, ce n’est pas la fin… » Une belle leçon de grandeur et de rĂ©sistance, Ă  laquelle le film n’a su, Ă  aucun moment, rendre hommage.

La fin du combat opposant Shiryu Ă  Shura, pour le plaisir… Rien qu’en entendant la voix du regrettĂ© Henri Djanik, ça me fout les larmes aux yeux T_T