Le sens de l’avis

Sur internet, les mĂ©dias n’ont de cesse de rabĂącher les bienfaits de la globalisation, le rĂ©seau concrĂ©tisant une sorte d’Ăšre du verseau numĂ©rique, faite de partage, d’Ă©changes, et de bienfaisance. En rĂ©alitĂ©, c’est surtout la face marchande et libĂ©rale qui a explosĂ© ces derniĂšres annĂ©es, les prospecteurs du profit potentiel avidement penchĂ©s sur le joli berceau du web, testant tous les hochets gĂ©nĂ©rateurs de rentabilitĂ©. C’est ainsi que l’avis est devenu en quelques annĂ©es une problĂ©matique et un levier puissant pour optimiser son discours commercial. Le seul souci, c’est que l’Ă©thique n’est pas toujours au rendez-vous de l’acte d’opinion. Du restaurant au vendeur de mocassin, du petit bouiboui au grand discounter, la tentation est grande de doper une estimation par une intervention savamment calculĂ©e.

« Produit de l’annĂ©e », « Choix du consommateur », « 95% de satisfaction », sont autant de mĂ©daillons que certains s’empressent d’apposer Ă  leur banniĂšre ou au coin d’une publicitĂ©. Mais au-delĂ  de l’assertion, qu’en est-il de la rĂ©alitĂ© du propos, et surtout de la mĂ©thodologie adoptĂ©e pour obtenir un jugement positif ou des statistiques paroxystiques ? M’Ă©tant penchĂ© rĂ©cemment sur le cas d’un acteur se vantant d’un nombre Ă©tonnant de personnes satisfaites en amont de son site, j’ai remontĂ© l’itinĂ©raire menant de de la synthĂšse des opinions Ă  leur rĂ©colte… Ce qui m’a amenĂ© Ă  des sociĂ©tĂ©s tierces, privĂ©es, poursuivant un but commercialement Ă©tabli, semant donc le doute sur la viabilitĂ© de leur action. Le processus marketing est certainement un abime de tentation, et dans l’exercice de la publicitĂ©, la tentation d’un dĂ©tournement ou dĂ©guisement des faits est sĂ»rement irrĂ©sistible. Le consommateur n’est d’ailleurs pas dupe, car comme il est rappelĂ© dans l’article de l’express.fr vu ce jour sur la nouvelle norme afnor, il est devenu trĂšs sceptique concernant ces fameux avis, gĂ©nĂ©ralement synthĂ©tisĂ©s sous la forme de petits compteurs d’Ă©toiles ou autres symboles d’excellence.

Mais il est vrai que parvenir Ă  obtenir une information claire, impartiale et qualitative d’un usager est certainement un atout majeur, tant pour le consommateur que pour le vendeur. Le premier s’assure l’achat d’un produit ou service Ă  la hauteur de son investissement, et le second peut Ă©tablir une rĂ©elle diffĂ©rence et une valorisante distanciation par rapport Ă  la concurrence. Personnellement, d’un naturel rĂ©flĂ©chi et aucunement impulsif, je multiplie les rĂ©fĂ©rences et les documentations avant tout achat d’importance ou pour tout sujet dont je ne possĂšde pas la culture ou les connaissances. Je me rappelle notamment le cas d’un lecteur de disque dur ide, cherchant Ă  me dĂ©barrasser de mes vieux disques rescapĂ©s, devenus obsolĂštes par la course effrĂ©nĂ©e Ă  la miniaturisation (les capacitĂ©s de stockage sont de plus quatre fois infĂ©rieures Ă  la plus basique clĂ© usb actuelle…) et gĂȘnants avec le temps. HabituĂ© Ă  dĂ©monter l’habitacle d’un pc pour le connecter en direct, passant par le bios pour le reconnaitre et prier pour qu’il n’y ait pas de rĂ©sistance, de bugs, ou d’incompatibilitĂ©s diverses (les bonnes vieilles positions master/slave…), je me suis dit que le progrĂšs aidant, il y avait sans doute des interfaces permettant de connecter rapidement ces vieux matos sans avoir Ă  bidouiller.

AprĂšs un petit tour sur Amazon, qui demeure un formidable moteur de recherche avant d’ĂȘtre un magasin en ligne, j’ai rapidement trouvĂ© mon bonheur entre 20 et 40 euros. Ensuite, j’ai Ă©pluchĂ© les nombreux avis sur le matĂ©riel, prĂ©sents sur le site, qui Ă©taient d’une grande qualitĂ© pour la plupart ; les passionnĂ©s d’informatique, souvent dans le mĂ©tier professionnellement, ont dans leur grande majoritĂ© le sens du dĂ©tail et de l’analyse. Ce qui est Ă©vident, c’est que l’enjeu Ă©conomique est au diapason de l’investissement dans le marchĂ© mouvant de l’opinion. Ce type de matĂ©riel ne faisait pas l’objet de flux importants de consommation, car intĂ©ressant un public trĂšs marginal, donc l’avis s’en trouvait paradoxalement de grande qualitĂ©. Quelques mois plutĂŽt, en recherchant un aspirateur, la chose ne fut malheureusement pas facile, constatant des avis complĂštement opposĂ©s sur le produit. En y regardant de plus prĂšs, tentant de remonter le fil des Ă©metteurs, je constatais que ceux qui avaient notĂ© positivement l’objet de mon attention Ă©taient souvent des tĂ©moins sans passif d’opinion, ou parfois avaient Ă©trangement postĂ© le mĂȘme jour, ou lors de la mĂȘme semaine. De plus, l’opinion positive douteuse l’est toujours dans une pratique experte du flou artistique apologique. « Excellent matĂ©riel, je m’en sers tous les jours avec plaisir. À conseiller » versus « Pratique et esthĂ©tique, je suis complĂštement satisfait de mon Aspirobrush 3000! », la seconde opinion permettant de deviner la nĂ©vrose du rĂ©fĂ©renceur patentĂ© qui ne pourra laisser passer l’occasion d’optimiser sa web-stratĂ©gie.

L’avis pernicieux est sans nul doute au niveau des produits de grande consommation (certains produits ne suscitent guĂšre de passion), ou au niveau des services divers et variĂ©s, Ă  la personne ou au compte en banque (du restaurant au courtier). La rĂ©alitĂ© est qu’il faudrait littĂ©ralement interdire de communiquer sur une apprĂ©ciation prĂ©tendant une opinion publique, car en ce sens, le communiquant ne peut et ne doit (Ă©thique) se dĂ©gager des justifications, tant lĂ©gales que techniques, lui permettant d’utiliser de tels arguments. Dans un monde de consommation, il conviendrait peut-ĂȘtre, en amont, de bien repĂ©rer et segmenter les acteurs pouvant ou non utiliser ce type d’outil. Un site comme Amazon, dont je ne fais pas la pub mais Ă  qui je reconnais de nombreuses qualitĂ©s, qui repose sur un systĂšme d’identification mĂȘlant coordonnĂ©es rĂ©elles et moyens de paiement, permet d’obtenir une rĂ©elle traçabilitĂ© de l’opinion et de son Ă©metteur. Ce ne sera pas parfait, mais l’accessibilitĂ© d’un historique de consommation, d’un profil public, sont autant de points forts concernant la viabilitĂ© d’un systĂšme de notation ou d’opinion. Je me rappelerai toujours une publicitĂ© pour Hunger Games, le premier film, qui annonçait de maniĂšre Ă©sotĂ©rique, un pourcentage de spectateurs satisfaits, sans bien sĂ»r, en Ă©tablir le dĂ©tail (faisant partie de la tranche minoritaire, j’avais de plus quelques doutes sur la question).

Comme il est spĂ©cifiĂ© dans l’article de l’express.fr, le point crucial est effectivement dans la possibilitĂ© de reconnaissance de l’Ă©metteur d’opinion, et donc de sa lĂ©gitimitĂ©. En France, pays des libertĂ©s, le consommateur est malheureusement souvent dĂ©pourvu face Ă  un systĂšme qui avec le temps, a rendu le systĂšme opaque et souvent Ă  l’encontre de ses droits les plus Ă©lĂ©mentaires.

Article ce jour sur le site de l’express.fr, qui fait professionnellement le tour de la question !

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