La brise timide d’un changement inĂ©vitable

Petit moment d’Ă©criture, ce dimanche matin, car d’une part ça fait longtemps que je ne l’ai pas accompli, et d’autre part car nous vivons tout de mĂŞme une pĂ©riode incroyable d’un point de vue sociĂ©tal et en consĂ©quence sociologique. La sociologie, je l’ai dĂ©couverte au moment de ma VAE (qui fut une expĂ©rience incroyablement enrichissante) et l’enthousiasme s’est lentement mais certainement mu comme un rĂ©flexe analytique. La logique marketing n’est pas compliquĂ©e Ă  saisir, rĂ©gulièrement une petite mode Ă©merge, surfant gĂ©nĂ©ralement sur un outil technologique qui promet la sacro-sainte capacitĂ© Ă  prĂ©dire et prĂ©voir le comportement de l’acheteur potentiel, cette « cible » Ă  la fois adorĂ©e et mĂ©prisĂ©e… mais la sociologie c’est abstraire, c’est s’abstraire, pour parvenir Ă  une vision, Ă  une conceptualisation, Ă  une description plus fine et rĂ©vĂ©latrice des « choses ».

La sociologie, c’est une forme de mouvement philosophique qui se pare de l’intention scientifique. Je suis en train de me dire que je m’exprime encore comme un arrogant nĂ©ophyte, l’Ă©ternel autodidacte qui prĂ©tend que tout est facile car s’abstenant, car s’Ă©mancipant, de toutes les hiĂ©rarchies et de tous les consensus Ă©tablis dans les domaines qu’il a l’audace de braconner. Soit. Si je crois en une chose, c’est bien l’interdisciplinaritĂ©, qui permet de croiser une notion avec une autre, pour ne pas devenir captif d’un abus de polarisation. Exemple, la frĂ©nĂ©sie de l’Ă©tiquetage qui rĂ©duit tous les dĂ©bats Ă  des petites vĂ©ritĂ©s qui ont une prĂ©tention de rĂ©vĂ©lation, notamment par rapport aux individus. Un mal bien français par ailleurs, qui rĂ©vèle le rĂ©flexe d’un ostracisme bien fermement ancrĂ© dans notre mentalitĂ©. « Complotiste », « extrĂ©miste », « fasciste », « macronniste », « gauchiste », au choix, font que dès l’introduction vous savez Ă  qui vous avez affaire et quel filtre apposer au discours que vous allez entendre ou lire. Personnellement, j’ai mis en place une sorte de mĂ©thodologie (bon, pour le coup c’est quand mĂŞme respecter l’esprit de la sociologie) qui consiste Ă  Ă©couter ou visionner tout un panel de mĂ©dias de tous les bords et de toutes les intentions. DĂ©formation professionnelle, je passe mon temps Ă  « dĂ©crypter », Ă  « discerner » les Ă©lĂ©ments de langage soit les petits artifices manipulatoires des interlocuteurs. Je m’en amuse aussi, souvent. Car il y a dans le fond de ces pratiques mĂ©diatiques une profonde mĂ©diocritĂ© qui limite les rĂ©cits Ă  des rhĂ©toriques interchangeables et d’une incommensurable vacuitĂ©. La structure du propos est par ailleurs toujours la mĂŞme, soit le problème, puis sa cause, son origine, son carburant, pour finalement dĂ©livrer la stratĂ©gie d’opposition, de rĂ©solution, de sauvetage voire d’accomplissement. Je n’aime pas sombrer dans la psychologisation, autre mal bien français, cependant il faut constater une sorte d’obsession pour l’identification d’un « mal » Ă  l’origine de toute souffrance.

Tiens, il me vient immĂ©diatement le concept de « RĂ©publique », avec sa majuscule, qui est souvent nommĂ©e, qui est souvent citĂ©e, comme une sorte de dĂ©itĂ© floue mais essentielle qu’il convient de protĂ©ger, d’adorer, de rĂ©vĂ©rer, en n’oubliant pas au passage de prĂŞter les mĂŞmes attitudes aux hiĂ©rophantes qui se prĂ©tendent gardiens du temple. Quel mot, quel concept fascinant que la RĂ©publique… la dĂ©monstration mĂŞme du caractère polysĂ©mique que le moindre terme induit. Il y a « personne » aussi… Je suis toujours subjuguĂ© qu’avec ce mot il soit possible Ă  la fois de dĂ©signer une individualitĂ© comme une absence. Avec une telle ambivalence au niveau de la signifiance, comment voulez-vous qu’Ă©merge du sens surtout quand les orateurs s’amusent Ă  truquer les raisonnements pour simplement, pour perfidement, vous amener lĂ  oĂą ils le veulent ? Enfin, personnellement, ils m’y amènent, je regarde un peu la dĂ©co, puis je m’en retourne dans mes pĂ©nates. Mais c’est fascinant, souvent rĂ©voltant, et je passe trop de mon temps Ă  me scandaliser de tous les sophismes, de tous les syllogismes qui sont la manifestation Ă©vidente de cette pĂ©riode chaotique que nous vivons tous. La conclusion, malgrĂ© tout, après la phase d’agacement est bien dans la constatation d’un lĂ©ger mais rĂ©el changement, profond, au niveau du public, de l’audience visĂ©e. Davantage d’esprit critique, davantage la volontĂ© de ne pas se contenter de l’apparence des choses, de ne pas se cantonner au brillant du vernis pour gratter et dĂ©couvrir ce qu’il y a sous la surface.

Donc, ce matin, discipline toujours, celle qui me fait multiplier les activitĂ©s crĂ©atives comme culturelles. Ce blog n’est qu’un journal Ă  ciel ouvert, un espace d’expression que je veux public car malgrĂ© tout confidentiel (je ne promeut pas ce site et je n’ai pas l’illusion de susciter l’intĂ©rĂŞt d’un potentiel lecteur) et qui m’oblige Ă  m’abstraire pour rester dans l’enclos rassurant et Ă©thique de la pudeur Ă©lĂ©mentaire (je ne parle pas de ma vie privĂ©e, je l’Ă©voque accessoirement – mes Ă©tats d’âme sont politiquement très corrects). En bref, l’exercice est bien dans l’articulation « littĂ©raire » de ma pensĂ©e, afin d’en constater la qualitĂ© d’organisation mais aussi de traitement de l’information. Avec cette volontĂ©, cette intention, je me suis demandĂ© de quoi je pouvais bien parler ce matin… tout ce que je lis, tout ce que je regarde, tout ce que je joue, tout ce que je fais, tout ce que je crĂ©e… j’en aurais beaucoup Ă  dire, mais vĂ©ritablement, ce qui m’a frappĂ© ce matin en me posant la question solennelle du « sujet », c’est bien ce subtil mais pourtant rĂ©el changement que je sens actuellement dans notre sociĂ©tĂ© en souffrance.

J’avais Ă©crit, il y a peu, un commentaire d’une vidĂ©o Youtube oĂą son crĂ©ateur se lamentait de l’apathie gĂ©nĂ©rale. J’avais tentĂ© en quelques mots de le rĂ©conforter en Ă©mettant l’idĂ©e que le changement, la volontĂ© de changement, proviendraient surtout de la nĂ©cessitĂ© qui se prĂ©cède trop souvent de la souffrance. La volontĂ© politique de nos sociĂ©tĂ©s nĂ©o-libĂ©rale est Ă  l’Ă©vidence la prĂ©servation d’un statu quo, rudement mis Ă  l’Ă©preuve en ce moment. Je pourrais passer des heures Ă  Ă©crire ou rĂ©flĂ©chir, Ă  disserter ou Ă  gloser, sur le sens de certains termes ou certaines expressions. LĂ , c’est le fameux « statu quo » qui me fait sourire. Je suis de plus en plus fascinĂ© par la tyrannie douce du langage, ou comment les individus se laissent emprisonner dans des logiques avec une rĂ©elle difficultĂ© Ă  les remettre en question. « DĂ©mocratie » par exemple, encore. Il y a peu, je m’interrogeais sur la possibilitĂ© de moderniser la notion (soit la libertĂ© donnĂ©e au peuple de se gouverner par lui-mĂŞme) en modifiant, en inventant un nouveau terme, qui ne serait plus fallacieusement connotĂ© par ses origines Ă©tymologiques comme historiques (la dĂ©mocratie grecque c’est quand mĂŞme rĂ©duire le peuple Ă  une Ă©lite aux dĂ©pens d’une majoritĂ© asservie). Processus complexe, processus intĂ©ressant tout de mĂŞme, car il consisterait Ă  dĂ©mantibuler le mot pour en comprendre l’anatomie. « DĂ©mos » et « Kratos », le peuple (encore un mot si passionnant Ă  analyser) et le pouvoir (qui induit une idĂ©e de violence car toute expression de pouvoir est violence faite Ă  un autre), avec l’hĂ©ritage d’une pensĂ©e grecque qui elle-mĂŞme n’est que le substrat de cultures oubliĂ©es et dĂ©formĂ©es. Je crois de plus en plus qu’une vĂ©ritable rĂ©volution sociĂ©tale n’est rĂ©ellement possible qu’en opĂ©rant un travail mĂ©ticuleux et sans volontĂ© idĂ©ologique (le but n’est pas de dĂ©noncer, mais bien de comprendre pour neutraliser… ou assainir) de remise en cause du lexique qui est le nĂ´tre. S’il est possible de comparer le langage Ă  l’utilisation d’algorithmes verbaux, les mots Ă©tant autant d’opĂ©rations complexes, alors le rĂ©sultat ne peut ĂŞtre que trompeur si nous n’en saisissons pas la valeur rĂ©elle.

La question que je me pose ce matin, c’est bien celle de la « vĂ©rité » comme notion Ă©thique du langage. Est-il raisonnable que « personne » soit aussi ambivalent, que « dĂ©mocratie » et « RĂ©publique » puissent devenir des expressions dissimulant la rĂ©alitĂ© d’une autocratie organisĂ©e ? Nos sociĂ©tĂ©s se veulent l’apothĂ©ose (acmĂ©) d’une Ă©volution sociĂ©tale, une sorte d’accomplissement, mais peut-on encore se contenter de l’apparence des choses sans jouir vraiment de ce que les mots promettent ? Sur ce petit vertige existentiel et pseudo philosophique (restons sĂ©rieux, rien ne l’est vraiment – surtout pas mon blog… ceux qui me connaissent vraiment le savent d’instinct), il est temps de prendre un petit cafĂ© en profitant de ma journĂ©e dominicale.

Good-bye Ryūichi Sakamoto

Bon, on fait une petite partie chill de Core Keeper quand votre fils vous apprend que Ryūichi Sakamoto est mort.

Que dire sinon que je rends hommage Ă  celui qui a bercĂ© mes oreilles de tant de belles musiques depuis que j’ai pris connaissance de sa belle existence et de son grand ouvrage avec son joli rĂ´le dans Furyo (avec l’immense David Bowie avec qui, depuis encore, je l’ai toujours associĂ© dans ma mĂ©moire).

J’aurais pu mettre Forbidden colors, qui reste un thème magnifique et magistral, ou celui de Wurthering Heights, mais je prĂ©fère en ce moment « citer » Amore, du moins tant que le lien Youtube marchera :

Allez, impossible d’y rĂ©sister, j’adore tellement cette version « trio » de Forbidden colors :

Battu par chaos ?

Un des modules de ce site m’a rappelĂ© violemment, hier, que ça faisait plus d’un mois que je ne m’Ă©tais pas connectĂ©. Beaucoup de boulot, une nĂ©vralgie cervico brachiale qui m’a bien pourri la vie et qui n’est pas totalement rĂ©glĂ©e, et bien entendu le contexte social, Ă©conomique et politique qui accapare beaucoup de mon attention. Alors ce matin, avant de m’y mettre, petit exercice sain d’Ă©criture et de rĂ©flexion sur cette pĂ©riode Ă  la fois passionnante et inquiĂ©tante de notre prĂ©sent dĂ©mocratique.

Depuis presque trois dĂ©cennies, j’essaie de faire un peu de pĂ©dagogie sur le concept de la dĂ©mocratie. Durant des annĂ©es, je ne suis pas allĂ© voter, Ă  cause d’une petite anecdote qui avait fait sens… Chirac s’Ă©tait vantĂ© de sa lĂ©gitimitĂ© avec son score au second tour face Ă  JM Le Pen, et j’avais Ă©tĂ© Ă  la fois dĂ©goĂ»tĂ© et contrariĂ© de tant de roublardise. Dès lors, j’ai considĂ©rĂ© le vote dans une dĂ©mocratie reprĂ©sentative comme une vaste entreprise manipulatoire. Ce qui Ă©tait nĂ© il y a longtemps de mon instinct, primal, de dĂ©fiance et d’irrĂ©vĂ©rence, a Ă©voluĂ© par la suite avec la progression de mon capital culturel. J’avais il y a plus de 30 ans l’ambition de comprendre ce monde, je ne voulais pas me contenter des rĂ©ponses toutes faites, des idĂ©es prĂ©conçues, des a priori(s), des certitudes qui font que la plupart d’entre nous dĂ©ambulent dans ce monde en se heurtant aux parois de la caverne davantage qu’en arpentant un chemin lumineux. Maintenant, alors que je vais fĂŞter mon quinquanniversaire, j’y vois plus clair avec l’amertume, souvent, de ne pouvoir partager ma vision des choses. Hier, en discutant avec un proche, je me suis encore tu, et je l’ai laissĂ© me rĂ©gurgiter la paquet confectionnĂ© par l’arsenal mĂ©diatique qui alimente un narratif totalement dĂ©calĂ© par rapport Ă  la terrible rĂ©alitĂ©. Je n’ai pas agi par condescendance, ni par suffisance, et encore moins par lâchetĂ©. Simplement, il ne m’est pas possible de dĂ©tricoter, au fil d’une discussion, le tissu complexe d’une perception du monde complètement faussĂ©e.

Mon père est mort l’Ă©tĂ© dernier, un homme particulier avec qui j’avais une relation particulière. Nous Ă©tions loin du clichĂ© de la relation qui tient du mentorat… mon père Ă©tait un homme inspirant mais sans instinct paternel. Une de mes premières actions de ma vie d’adulte fut de comprendre et pardonner mon père. Grâce Ă  ma mère, qui Ă©tait une femme d’une gĂ©nĂ©rositĂ© et d’une misĂ©ricorde magnifiques, j’ai pu le faire. Sans ses rĂ©vĂ©lations, sans sa capacitĂ© Ă  me confier les failles et les fĂŞlures de mon père, j’aurais peut-ĂŞtre fini par lui tenir rancune de son absence, de ses silences, de son indiffĂ©rence, de son dĂ©sintĂ©rĂŞt. Celui que je suis s’est construit dans l’ombre gigantesque d’un homme vraiment exceptionnel, Ă  la fois immense et fragile. Il Ă©tait taiseux, mutique, froid, campĂ© dans cette Ă©lĂ©gance un brin affectĂ©e qui’il a malheureusement perdu dans sa vieillesse difficile. Le plus ironique dans tout ça, c’est que mes proches, mes enfants notamment, ne supportent jamais mes silences. Ce qui est rare pour eux Ă©tait mon quotidien avec mon père.

J’aimais mon père, mais dès mon plus jeune âge, j’ai pris le parti de ne jamais lui faire de reproches, surtout celui d’ĂŞtre un mauvais père. Et pour cause, il ne l’a pas Ă©tĂ©, car en bien des choses il aura Ă©tĂ© gĂ©nĂ©reux et prĂ©sent… la caractĂ©ristique d’une gĂ©nĂ©ration qui vivant l’opulence, remplaçait le temps et la disponibilitĂ©, l’attention et le don de soi, par l’argent. Avec mon père je n’ai jamais manquĂ© de rien… avec mon père j’ai toujours manquĂ© de lui.

Un an avant sa mort, alors que des gens manifestaient en masse, pacifiquement, pour dĂ©noncer les dĂ©rives du passe sanitaire, j’avais Ă  peine effleurĂ© le sujet avec lui au tĂ©lĂ©phone, qu’il m’a renvoyĂ©, hystĂ©rique, une imprĂ©cation dĂ©finitive : « Mais tu ne vas pas soutenir ces irresponsables !? ». Fin de discussion, raccrochage, moment de solitude personnelle, celle que j’ai vĂ©cu tellement de fois en sa compagnie. Tous ceux qui ont voulu me comprendre devraient dĂ©jĂ  percevoir chez moi l’immense tristesse qui est nĂ©e de cette distance, insoluble et dĂ©finitive, entre mon père et moi. J’ai appris Ă  me taire, Ă  cacher ma rĂ©volte et ma colère, mĂŞme si elles ont toujours Ă©tĂ© prĂ©sentes en moi. J’ai appris Ă  les juguler et Ă  en faire un force, une source d’Ă©nergie. Mais avec la condition de ne pas m’Ă©garer dans de vaines querelles. MalgrĂ© tout, toujours me reste l’aigreur du silence, la sensation de fuite qui naĂ®t toujours dans la tempĂ©rance. CĂ©der Ă  la colère c’est souvent sombrer dans l’hubris… Se garder de l’excès c’est ressentir la frustration de l’inaction.

Ces dernières annĂ©es, j’ai Ă©normĂ©ment travaillĂ©, et je ne parle pas seulement de cette hystĂ©rie productiviste qui fait les beaux jours de la propagande actuelle. J’adore bosser, j’en ai besoin, et la stimulation d’un quelconque maĂ®tre d’oeuvre qui se prĂ©tendrait vital pour compenser ma turpitude ne m’a jamais Ă©tĂ© nĂ©cessaire. Je sais ce que j’ai Ă  faire, et quand je ne sais pas, je me lance quitte Ă  affronter des moments d’incertitude voire de solitude. Mais je parle aussi d’un point de vue rĂ©flexif et culturel. J’ai pris conscience, il y a quelques annĂ©es, que j’Ă©tais moi aussi tellement la tĂŞte dans le guidon, tellement encouragĂ© Ă  faire n’importe quoi, Ă  accepter n’importe quoi, que je me perdais, lentement, doucement, mais sĂ»rement. Pour toute personne, il y a celui (ou celle) qu’on veut devenir, et celle qu’on devient. Je n’ai jamais pu rentrer dans une case, pas par dĂ©sir de distinction, pas par puĂ©ril volontĂ© de me sentir meilleur ou diffĂ©rent des autres. Je ne pouvais pas le faire, tout simplement. J’aurais essayĂ©, j’aurais fait d’Ă©normes efforts. Toutes mes rĂ©ussites et tous mes succès, souvent notables, ne m’ont laissĂ© qu’une impression amère. La sensation du nonosse en Ă©change de la servitude. La vraie vanitĂ© qui se nourrit du regard des autres, souvent compensĂ©e, presque heureusement, par la dĂ©nĂ©gation et le mĂ©pris de ceux qui me refusaient les trophĂ©es. Dans cette sociĂ©tĂ© de la compĂ©tition permanente, c’est un peu ça le subtil piège : tout Ă©tant fait de croyances, c’est celui qui incante le plus qui souvent l’emporte. Les fameuses apparences, la tension permanente entre la posture et l’imposture. Le narratif. Vivre en sociĂ©tĂ© tient Ă  mes yeux beaucoup Ă  ça : choisir de participer, ou non, au narratif. J’ai longtemps rĂŞvĂ©, souhaitĂ©, attendu, ce moment d’Ă©changes et de dialogue autour de tous les sujets qui font la vie. Presque toujours, ça n’aura tournĂ© qu’Ă  l’invitation Ă  partager (ou non, encore), des certitudes.

Je suis paradoxalement un homme très heureux. Je sais, le dire, l’Ă©crire, le prĂ©tendre, ça sonne toujours comme une incantation, une bravade, une prĂ©tention, voire une vanitĂ© de plus. Mais j’insiste, je suis heureux. Parce que ce bonheur repose sur des choses simples, sur ma capacitĂ© Ă  m’Ă©merveiller, depuis mon enfance, sur des choses d’une simplicitĂ©, d’une trivialitĂ©, affolantes. Le chant des oiseaux, hier après-midi, pendant que je bossais. Mes deux chats qui chahutent et me font rire. Mes enfants qui n’en sont plus, et que je prends plaisir Ă  voir maintenant mĂ»rir. Le ciel bleu, les arbres, la culture, la beautĂ© des ĂŞtres que je croise, la bontĂ© que je sens en eux, l’humanitĂ© vibrante qui Ă  la fois m’Ă©meut et me dĂ©sespère souvent. Je vieillis, la majoritĂ© des gens que j’aimais sont morts, et pourtant jamais je ne me suis senti aussi vivant et en paix avec moi-mĂŞme. Alors souvent, j’Ă©cris un commentaire sur les rĂ©seaux sociaux, puis au moment de l’envoyer, je l’efface. Ce n’est pas de la fuite, ce n’est aucunement de la lâchetĂ©, je peux fièrement dire que ce qui se passe maintenant, je l’avais exactement prĂ©dit et annoncĂ©. Et alors ? Je n’ai mĂŞme plus envie d’avoir raison, je veux juste ne plus me perdre dans des batailles et des conflits inutiles.

Le chaos actuel est consciencieusement organisĂ©. Il y a plus d’un an, j’avais Ă©crit dans un commentaire que tout système vertical ne peut s’appuyer, Ă  terme, que sur le contrĂ´le et la rĂ©pression. Après, ce qui me semble le plus absurde dans tout ça, c’est l’idĂ©e que cela puisse suffire et surtout, perdurer. J’Ă©coute les analyses, ceux qui psychologisent, ceux qui prĂ©conisent, ceux qui prophĂ©tisent, et souvent ce qui me frappe c’est la difficultĂ© de prendre de la distance, de s’abstraire de ses propres certitudes. Je me suis toujours considĂ©rĂ© comme un homme romantique, au sens le plus pur du terme (sans le rĂ©duire Ă  une vignette de stratĂ©gie commerciale), et je suis frappĂ© par la volontĂ© des forces dominantes Ă  maintenir le peuple dans l’enclos des Ă©motions et surtout par l’acceptation de celui-ci Ă  l’accepter voire le souhaiter. Ce jeu dangereux de la manipulation, quand tu t’appuies sur les rĂ©actions pour contrĂ´ler ton interlocuteur. Dangereux car l’Ă©motion fait naĂ®tre parfois l’excès, l’acte inconsidĂ©rĂ©, le moment de folie.

D’oĂą le point d’interrogation Ă  la fin du titre de ce billet du premier avril 2023 : « Battu par chaos ? ». Reste Ă  savoir qui le sera, car comme le dit ce proverbe que j’ai toujours aimĂ© car si poĂ©tique : « qui sème le vent rĂ©colte la tempĂŞte ».

Et mon esprit facĂ©tieux, et ce moi intĂ©rieur goguenard qui me glisse alors que j’Ă©cris ces lignes, d’Ă©couter « Comme un Ouragan » de StĂ©phanie (de Monac’).

Je vous l’ai dit, je suis bien malgrĂ© moi un homme heureux.

La question de l’IA

Depuis quelques semaines, je suis très fĂ©brile par rapport aux progrès de ce qui est appelĂ© communĂ©ment « IA » pour Intelligence Artificielle. Je ne reviendrais pas sur l’inflation (c’est Ă  la mode) propre Ă  l’expression… Peut-on dĂ©signer comme intelligence ce qui n’est pas conscient et libre de ses propres dĂ©cisions ? Enfin, point de dĂ©bat ce matin, juste l’enthousiasme Ă  partager les opportunitĂ©s des services Ă  notre disposition. Oui, nous assistons actuellement Ă  un changement majeur dans le processus productif et mĂŞme crĂ©atif car ces outils vont simplement modifier solidement et durablement la manière d’apprĂ©hender le travail dans le tertiaire, si bien entendu le dĂ©sastre Ă©cologique et la raretĂ© des matĂ©riaux ne nous rattrapent pas d’ici lĂ . Mais ne cĂ©dons pas ce matin au catastrophisme de bon ton, restons dans l’ivresse des jours aux lendemains certains, et faisons le bilan de ce qui est en train de nous arriver.

Je vais partir de mon cas personnel pour essayer de traduire le fond de ma pensĂ©e. J’ai choisi une activitĂ© solitaire, mais propre Ă  ma nature, mes attentes, mes envies, mes ambitions, avec la pleine conscience de ce que cela signifiait d’efforts et de travail Ă  venir. Pour tout avouer, j’ai pliĂ© mon mode de vie Ă  ces ambitions en m’imposant une discipline plus que spartiate mais qui me rend heureux, pour tout dire. Cette discipline a pour but essentiellement d’entretenir voire d’amĂ©liorer mes fonctions cognitives ainsi que mes capacitĂ©s manuelles. MalgrĂ© tout, Ă©tant constamment dans le stratĂ©gique et le prĂ©visionnel, j’ai inclus dans mon calcul mon vieillissement et le dĂ©clin de mes capacitĂ©s. C’est donc avec rĂ©alisme et peu d’illusion que je me suis lancĂ© dans ma dernière et magnifique aventure, en me disant qu’il valait mieux des remords que des regrets et surtout, en rĂ©pondant Ă  ma nature et mon caractère profonds que j’aurais trop combattus durant de nombreuses annĂ©es.

J’Ă©tais donc au stade de faire, et pour le coup j’ai bien fait car j’ai abattu un boulot considĂ©rable ces dernières annĂ©es pour parvenir Ă  crĂ©er la base de mon activitĂ©. En constatant que je devrais, Ă  regret, ne pas pouvoir faire tout ce que je souhaitais, ne pas rĂ©aliser tout ce que j’avais Ă©bauchĂ©. Je m’Ă©tais rĂ©fugiĂ© dans l’idĂ©e d’un process d’Ă©criture testimonial, si j’ose dire… en bref, coucher par Ă©crit toutes mes idĂ©es dans l’illusion rassurante (mais conscient de la potentielle vacuitĂ© de la chose) qu’un autre puisse un jour en trouver l’usufruit.

Et lĂ , les IA.

A ce stade, il est important de bien comprendre un point qui me semble actuellement primordial et que peu ont notĂ©. Il y a certes une rĂ©volution technique, mais il y a surtout un process qui va irrĂ©mĂ©diablement avoir une consĂ©quence majeure qui va ĂŞtre la protection forcenĂ©e et très limitative des droits de ce qu’on appelle la propriĂ©tĂ© intellectuelle. En bref, les IA de crĂ©ation se servent actuellement de toutes les crĂ©ations d’autrui pour gĂ©nĂ©rer leurs rĂ©sultats, car ces crĂ©ations sont en libre accès sur la vaste terre de moins en moins sauvage qu’est le Web (enfin, le web grand public ; ignorer les abysses ne rend pas la mer moins mystĂ©rieuse qu’elle ne le sera toujours). Naturellement, les crĂ©ateurs se voient spoliĂ©s et pillĂ©s par ces process, et si ces derniers n’ont pas la puissance systĂ©mique pour exprimer leur colère, les tenanciers des grandes franchises du divertissement le feront pour eux. En bref, les IA de crĂ©ation ne pourront, Ă  l’avenir, qu’utiliser ce qui leur sera licenciĂ© (je ne parle pas de dĂ©barquage salarial mais d’acquisition de licence – je sais, en ces temps de confusion organisĂ©e, ça n’aide pas d’utiliser un idiome qui Ă  mon instar, est d’un autre temps). Pour le dire plus clairement, les IA vont bientĂ´t devoir faire avec les fils barbelĂ©s de la territorialisation de la propriĂ©tĂ© intellectuelle qui va s’accentuer, avec tout ce que cela induit Ă  la fois de justice sociale et de pĂ©nibilitĂ© pour le consommateur lambda.

Ayant toujours Ă©tĂ© dans les deux mondes, celui prosaĂŻque de la productivitĂ© bas du front qui ressasse sans cesse que le temps c’est de l’argent et l’univers un peu plus tortueux de la rĂ©alitĂ© artistique qui compose avec les humeurs et les envies, je sais que le premier a pris pour habitude de spolier le second. J’ai voulu, en mon temps, attaquer un employeur qui ne m’avait rĂ©solument pas rĂ©munĂ©rĂ© en proportion de l’apport de ma contribution au fonctionnement et surtout Ă  l’enrichissement de sa sociĂ©tĂ©. Etant crĂ©ateur de tout, de la forme comme du fond (il n’y avait que la rĂ©alitĂ© du service dont je ne pouvais invoquer la paternitĂ©), j’ai eu l’illusion un temps de pouvoir lĂ©galement en recevoir un juste usufruit (surtout que je parle d’un bon millier de messages publicitaires rĂ©alisĂ©s en print comme en ligne). J’ai finalement abandonnĂ©, conscient du changement drastique de la justice française qui a Ă©pousĂ© de manière atroce la transition vers cet ultra-libĂ©ralisme qui n’en finit pas de nous rendre malheureux. Sur le fond, j’avais raison – de lĂ  Ă  attendre de mes juges qu’ils penchent de mon cotĂ© plutĂ´t que celui du bon camp actuel, soit l’employeur sauveur de l’humanitĂ© en soif de travail, je n’en avais pas la candeur.

Etrange pays que la France, si prompt Ă  bomber le torse en se dĂ©clarant premier Ă  dĂ©fendre et promouvoir les droits de l’homme, tandis qu’en douce, derrière le rideau, l’exploitation est organisĂ©e et consciencieusement Ă©laborĂ©e. En tant que crĂ©atif, je l’ai lentement et amèrement compris, ce qui m’a dĂ©goĂ»tĂ©, littĂ©ralement, du processus artistique et crĂ©atif en entreprise. J’en nourris encore un cynisme sain, ayant bouffĂ©, des annĂ©es durant, des champions du petit doigt levĂ© et leur sens du beau et du bien dont la voilure Ă©tait proportionnelle Ă  leur culture, souvent nulle et dĂ©risoire. J’en garde des moments anecdotiques savoureux, comme cette fois oĂą j’expliquais Ă  une jeune cadre qu’une bonne pub n’Ă©tait pas forcĂ©ment une pub « belle » mais bien une pub performante. Le plus risible, dans mon cas, c’est que j’ai fini par ĂŞtre plus pragmatique, et Ă  mon sens efficace, que des dĂ©cideurs rĂ©solument Ă©garĂ©s dans leur ego lĂ  oĂą il fallait penser « public » et « marché ». Je reconnais aisĂ©ment qu’encore maintenant je reste schizophrène, Ă  la fois cet homme stratège et rationnel, calculateur et mĂ©thodique, et cet autre plus dĂ©sinvolte, romantique et fou. Le premier a rĂŞvĂ© d’un monde du travail organisĂ© oĂą la performance se situait avant tout dans la qualitĂ© de la pensĂ©e avant les manĹ“uvres politiques et ce que j’appelle, un sourire en coin, « l’imposture de la posture ». Le second a compris que du premier qu’il pouvait en trouver un solide alliĂ©, ce qui m’a amenĂ© aux choix que j’ai fait ces dernières annĂ©es et que je ne regrette absolument pas.

Surtout lorsque je me rends compte que les IA sont, dans mon cas, une pure bĂ©nĂ©diction. Toujours, toujours, je me suis Ă©puisĂ© Ă  produire, Ă  Ă©crire, Ă  dessiner, Ă  apprendre, Ă  assimiler, Ă  noter, constatant avec dĂ©pit que je n’avançais jamais assez vite, que c’Ă©tait toujours la mĂŞme montagne chaque jour Ă  tenter de gravir, en espĂ©rant en voir peut-ĂŞtre, dans un lointain avenir, la cime. L’Ă©nergie, je l’ai toujours, c’est ma chance et ma richesse, chaque matin elle me pousse et me motive Ă  aller de l’avant… et vas-y que j’y vais ! De toute manière je sais qu’un homme comme moi ne finit pas en chevrotant dans un fauteuil mais bien en cassant comme une brindille rebelle finalement brisĂ©e par le vent. C’est peu cher payĂ© pour une nature sauvage que personne, ni mĂŞme moi, n’aura fini par dompter. Mais il y avait quand mĂŞme un peu de dĂ©sespoir et de rĂ©signation derrière les humeurs lyriques. Depuis quelques semaines, je n’ai pas besoin de shoot d’adrĂ©naline pour y croire et continuer, j’ai fait l’inventaire de ce peuvent me procurer comme assistance les IA et je suis littĂ©ralement enthousiaste et confiant.

Par exemple, je suis en train de planifier la suite de mon premier projet, et du coup, je suis en train de prĂ©voir la manière dont je vais opĂ©rer pour que ces IA me mâchent l’essentiel du boulot. Attention, je ne dis pas qu’elles seront crĂ©atives, et que personne n’en ait l’illusion, elles ne le seront jamais. Elles ne peuvent que crĂ©er des patchworks en empruntant Ă  d’autres, ce qui fait qu’elles resteront toujours dans l’opĂ©rationnel lĂ  oĂą un crĂ©atif sera dans l’inspiration. Mais je perds tellement d’Ă©nergie et de temps Ă  simplement prĂ©parer le boulot qu’elles vont simplement m’Ă©conomiser un temps que je croyais irrĂ©mĂ©diablement perdu, nĂ©cessairement sacrifiĂ©.

J’ai dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© un budget prĂ©visionnel, je pense maintenant Ă  m’atteler Ă  des choses que je destinais aux archives. Contrairement aux mauvais augures, les IA ne sont pas un danger pour l’humanitĂ©, elles ne font que prĂ©ciser ce qui est une certitude : il faut irrĂ©mĂ©diablement changer la vision et la place du travail dans nos sociĂ©tĂ©s, dont les dirigeants, la pseudo Ă©lite politique, s’obstinent dans une idĂ©e passĂ©iste et rĂ©trograde, totalement obsolète. Nous produisons bien plus de richesse que les gĂ©nĂ©rations passĂ©es, parce que nos outils s’amĂ©liorent. La question n’est pas dans la productivitĂ©, qui a explosĂ©, mais bien dans la rĂ©partition des richesses. Après, sombrer dans la rhĂ©torique de la compĂ©tition de cette productivitĂ©, c’est juste applaudir et participer Ă  un esclavagisme moderne qui font qu’une minoritĂ© se l’approprie. Et je le rĂ©pète, je ne suis et ne serai jamais de gauche (et encore moins de droite) : je suis pour une sociĂ©tĂ© idĂ©ale oĂą chaque citoyen participe activement et en conscience Ă  l’enrichissement de la citĂ© et par extension des autres, des siens. Je crois en la solidaritĂ© et la fraternitĂ©, et il n’y a pas d’avenir Ă  refuser ou nier le progrès. Il y a juste Ă  placer ces Ă©volutions, ces grands changements, dans une volontĂ© politique et mĂŞme sociĂ©tale oĂą le but n’est pas l’enrichissement des intĂ©rĂŞts particuliers mais bien l’intĂ©rĂŞt de tous.

Eschatologique

Qu’on me pardonne ce titre tragique et un poil Ă©sotĂ©rique, mais m’interrogeant sur l’ambiance gĂ©nĂ©rale actuelle, du moins de mon petit point de vue d’ĂŞtre humain, accessoirement français, petite fourmi dans ce vaste monde, c’est ce qui m’a semblĂ© le plus pertinent. Après, j’aime utiliser des termes oĂą l’exagĂ©ration le dispute Ă  la dramatisation… mais oui, il y a comme un air de fin du monde ce matin, une fin du monde tranquille, paisible, qui vient tout doucement, en nous caressant la tĂŞte tendrement, histoire de nous pousser dĂ©licatement vers le bord du prĂ©cipice en nous souhaitant, ironie ou dĂ©licatesse, bonne nuit.

Je reste toujours optimiste, c’est ma terrible nature, mais j’avoue que je constate, d’annĂ©e en annĂ©e, de mois en mois, de semaine en semaine, de jour en jour (j’arrĂŞte ici l’Ă©numĂ©ration du lexique calendaire), l’absurditĂ© d’un système qui ne vit plus que pour lui mĂŞme sans aucune vĂ©ritable considĂ©ration pour ses dĂ©cisions les plus ineptes. Non, je ne parlerai pas ici de la retraite, ça me semble abscons de toute manière de reposer sur un principe qui lui-mĂŞme vient d’un autre temps complètement rĂ©volu, mais bien du marchĂ© de l’Ă©nergie. Ce matin, levĂ©e matinale comme trop souvent, et je tombe sur notre monarque suprĂŞme qui semble dĂ©couvrir l’aberration de l’indexation du cours de l’Ă©lectricitĂ© sur celui du gaz. Il lui reste donc, avec quelques annĂ©es de retard, Ă  dĂ©couvrir le fonctionnement inepte du marchĂ© en lui-mĂŞme, qui fait d’un pays premier producteur en Ă©lectricitĂ© au monde, la victime consentante, le sacrifice volontaire, d’une fiction aussi dĂ©lirante que l’Europe. Tentons la mĂ©taphore… c’est un peu comme si les pays producteurs de pĂ©trole s’engageaient Ă  vendre leur or noir Ă  un prix bas, sacrifiĂ©, pour que d’autres le vendent bien plus cher. Et oui, ça ne fonctionne pas trop comme ça, et encore, ma mĂ©taphore est encore imparfaite car il y a beaucoup Ă  dire sur le coĂ»t rĂ©el de l’or noir, dont la valeur n’est pas relative au coĂ»t de son extraction ou de son transport, mais bien de sa valeur en considĂ©ration de sa prĂ©pondĂ©rance, de son importance, dans nos sociĂ©tĂ©s Ă©nergivores.

Ce dĂ©lire Ă©conomique va avoir des consĂ©quences terribles dans les prochains mois sur l’Ă©conomie française, notamment les entreprises, qui vont voir les postes sur l’Ă©nergie exploser en termes de charges. Vraiment, je ne comprends pas comment une prĂ©tendue Ă©lite peut voir venir d’aussi loin l’iceberg sans se dire que la coque ne va pas aimer du tout l’impact. Alors nous avons la prĂ©visible, pathĂ©tique et misĂ©rable, concentration des moyens de contrĂ´le pour endiguer les rĂ©voltes logiques, mais… et après ? Opprimer pour contrĂ´ler, dĂ©courager, dĂ©sespĂ©rer, c’est une phase qui, bien que rĂ©voltante et moralement mĂ©prisable, peut induire tout de mĂŞme une forme de vision et de planification… mais dĂ©truire le tissu Ă©conomique en faisant les choix les plus pyromanes et les plus insensĂ©s, provoque, du moi chez moi, une rĂ©elle sidĂ©ration. Cui bono ? Je ne veux pas cĂ©der aux sirènes du complotisme (Davos n’existe pas) mais sommes-nous dans la triste rĂ©alitĂ© d’une complète xĂ©nocratie qui planifie tranquillement le pillage et la destruction de notre pays dans une totale impunitĂ© ?

J’attends depuis des annĂ©es un sursaut, pas que du peuple sur lequel les commentateurs passent leur temps Ă  vouloir balancer le fardeau, comme si la dĂ©mocratie Ă©tait vĂ©ritablement en cause (quelle blague), mais bien du monde entrepreneurial qui reste un des poumons du pays. A force de s’entendre rĂ©pĂ©ter que le pire ce sont « les charges salariales », trop lourdes, ce monde lĂ  n’a pas vu venir l’apocalypse Ă©nergĂ©tique. Il arrive pourtant, les boulangeries n’Ă©taient que la première ligne Ă  encaisser le choc, des scandales en chaĂ®ne qui font les beaux jours des commentateurs sans qu’encore une fois des mesures soient prises pour Ă©viter les drames ou les faire cesser. On s’indigne, c’est facile et ça ne coĂ»te pas cher, mais on sert le thĂ© Ă  l’invitĂ© en fronçant les sourcils, car de nos jours la rĂ©volte se veut toujours polie et jamais agressive.

Pourtant, nous y allons vers ce triste choix… celui qui consiste Ă  respecter les règles ou les enfreindre. Mon rĂ©cent billet s’intitulait irrĂ©vĂ©rence… je pense aux trois discours sur la condition des grands de Pascal. En mĂŞme temps, je me demande si climatiquement, si Ă©cologiquement, il nous reste suffisamment de temps pour rĂ©flĂ©chir et enfin agir. Le plus terrible lĂ -dedans, c’est de constater le niveau de destruction et de malfaisance, littĂ©ralement niĂ© par un narratif qui continue Ă  fredonner le meilleur des mondes comme si nous y Ă©tions. Souvent, je dis Ă  mes enfants que je suis dĂ©jĂ  mort, ce qui n’est pas faux. J’ai passĂ© plus de la moitiĂ© du parcours, je n’ai pas Ă  m’inquiĂ©ter, personnellement, du monde que je vais laisser. Pourtant, quand je constate l’anxiĂ©tĂ©, la perte de repère, la candeur entretenue de la gĂ©nĂ©ration de mes enfants, je ressens une profonde honte. Je me rappelle une collègue de bureau, mère de deux jeunes enfants, il y a quelques annĂ©es, quand j’avais osĂ© publiquement dire tout ça… « Après moi le dĂ©luge », m’avait-elle rĂ©pondu dans un rire. ChoquĂ©, atterrĂ©, je m’Ă©tais tu, ce qui n’est pas ma nature. Mais cet Ă©gocentrisme foncièrement coupable prend actuellement des proportions, provoque des consĂ©quences, qui font de notre sociĂ©tĂ© des irresponsables destructeurs de monde.

Pourtant, je ne crois toujours pas dans les anathèmes voire les extrĂŞmes. Non, le capitalisme n’est pas en soi mauvais. Le consumĂ©risme non plus. L’erreur repose sur l’excès, sur cet hubris qui nous pousse Ă  corrompre tous les principes que nous mettons en place pour faire fonctionner nos sociĂ©tĂ©s. Il est possible de mettre de la vertu et de la bienveillance en chaque principe ou système que nous crĂ©ons. La faillite actuelle n’est pas le fait de nos idĂ©ologies mais bien des Ă©lites qui se prĂ©valent pourtant, et cyniquement, d’une intelligence et d’une perspicacitĂ© sans cesse auto-proclamĂ©e et glorifiĂ©e.

Regarde-le ton monde, et dis moi, rien ne te choque ? La fable du prince, affalĂ© sur son trĂ´ne d’or, qui dit au pouilleux dans sa boue : « finalement, entre toi et moi, il n’y a pas tant de diffĂ©rence que ça. Humain tous les deux, coupables des mĂŞmes vices, nous partageons la responsabilitĂ© de notre incapacitĂ© Ă  discerner finement ce qui est bien et ce qui est mal ». C’est cette parole, accaparĂ©e, fausse et qui se veut incantatoire, qui est la cause de tout. Il est pourtant dangereux de penser que le pouilleux n’a que les mots pour s’exprimer, car c’est croire que le dĂ©bat s’arrĂŞtera dans l’arène de la parole, de l’expression, de la rĂ©flexion… avec le confort de se dire qu’on aura toujours en face un adversaire dĂ©sarmĂ©.

Eschatologique. Apocalypse. Crisis. Qu’il est amusant de constater combien ces mots d’origine grec ont vu leur sens dĂ©voyĂ© avec le temps. Il est peut-ĂŞtre temps de retrouver l’aletheia des philosophes grecs qui disaient que sans poursuite de la vĂ©ritĂ©, il ne pouvait y avoir de discours valables et respectables.

Irrévérence

Je suis malade, chose très rare, mais du coup ça fait quelques jours que j’attends, impatiemment d’aller mieux. MĂ©thode CouĂ© Ă  fond les ballons, mais Ă  vrai dire rien n’y fait. Je suis las et je n’ai pas cette Ă©nergie qui me caractĂ©rise. Alors je me dis que je vais aller bloguer un peu, histoire de.

Ce ne sont pas les sujets qui manquent… au rayon vidĂ©o, j’ai Ă©tĂ© enthousiasmĂ© par la nouvelle sĂ©rie de Nicolas Winding Refn, Copenhagen cowboy que je recommande chaudement. AffalĂ© sur mon oreiller Ă  peu près toute la journĂ©e de samedi, j’ai bingwatchĂ© (dĂ©vorĂ©) la sĂ©rie en m’extasiant souvent sur les choix de rĂ©alisation. J’avais matĂ© la veille the Pale blue eyes de Scott Cooper que j’ai trouvĂ© remarquable mais pas autant que son Hostiles qui m’avait subjuguĂ© quelques annĂ©es avant. Hier soir j’ai fini Peacemaker sur Prime du trublion James Gunn que j’ai, bien malgrĂ© moi, beaucoup aimĂ©. Partant d’une critique nĂ©gative soulignant la vulgaritĂ© du propos (des mots gros) et de la forme (du sordide Ă  la pelle), je n’ai vu pour ma part que du James Gunn. Du coup ça me donne l’envie de dĂ©couvrir son Suicide Squad que j’ai boudĂ© Ă  l’Ă©poque en raison d’un agenda bousculĂ©. Il y a plein de petites pĂ©loches qui m’emballent rĂ©gulièrement, dont personne ne parle vraiment, et que je pourrais Ă  terme mettre en lumière dans des productions Youtube (par exemple, Long Week-end sur Prime que j’ai dĂ©couvert après avoir acquis son remake, ou Shimmer lake sur Netflix que j’ai croisĂ© dans les recommandations tout Ă  l’heure). Enfin, vu le boulot qui m’attend cette annĂ©e, je ne vais pas commencer Ă  trop m’en demander.

Au rayon politique… comment dire ? Hier matin il y avait l’Ă©dito du Monde Moderne animĂ© par l’excellent Alexis Poulin qui Ă©tait dans un Ă©tat presque dĂ©pressif en considĂ©ration de l’apathie gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Je continue mes commentaires assassins quand je vois de la propagande honteuse mais je comprends que certains aient la tentation de baisser les bras. Plus que jamais, il faut sortir des illusions de la Khimairacratie qui renvoie Ă  un de mes rĂ©cents billets. Il y a dans notre beau pays (sisi) cette vanitĂ© d’un passĂ© glorieux comme si nous Ă©tions tous issus d’un peuple et d’une culture dont la nature combative et vertueuse ferait partie intĂ©grante de notre ADN. Se croire ou ĂŞtre, nous y sommes, et dans les faits il faut bien convenir que ce n’est pas très glorieux.

Au rayon philosophie du pauvre (ce n’est pas un crime de ne pas ĂŞtre riche non plus), en Ă©coutant la chronique de Thomas Porcher commentant ce jour la rĂ©alitĂ© de la nĂ©cessitĂ© d’une retraite repoussĂ©e versus la rĂ©alitĂ© sociologique, un mot m’est venu que j’ai donc utilisĂ© pour nommer ce billet : « irrĂ©vĂ©rence ».

Tandis que j’Ă©cris ces mots, mon fils m’envoient une suite de SMS pour me dire qu’il a commencĂ© Ă  voir Full Metal Jacket de Kubrick. J’en profite pour lui expliquer que dans presque tous les films de Kubrick, il y a une critique systĂ©mique et la dĂ©nonciation du processus de conformation. Et j’en reviens Ă  ce que je veux Ă©crire ce jour sur ce blog, soit la nĂ©cessitĂ© de l’irrĂ©vĂ©rence pour sortir de cette triste spirale. J’ai toujours essayĂ© d’enseigner Ă  mes enfants les vertus cardinales de l’irrĂ©vĂ©rence, sans jamais vraiment y parvenir. Ils sont insolents et ont dĂ©veloppĂ© leur propre personnalitĂ©, mais ils n’ont pas forcĂ©ment le rĂ©flexe de tout discuter et de tout interroger. Rien de pire dans nos sociĂ©tĂ©s que ce rĂ©flexe d’obĂ©issance, qui est dĂ©fini comme une vertu par ceux que ça intĂ©resse. Un paradoxe de cette sociĂ©tĂ© qui exige l’obĂ©issance la plus extrĂŞme tout en encourageant les bas instincts les plus primaires. Ce qui nous donne cette sociĂ©tĂ© manichĂ©enne oĂą Ă  longueur de temps des Ă©ditorialistes nous expliquent ce qui est bien ou mal, ce qu’il faut bien penser et surtout pas mal penser. Jamais nous n’aurons Ă©tĂ© dans cette sorte de monologue mĂ©diatique oĂą les intervenants se succèdent pour appuyer la mĂŞme idĂ©e avec le dogmatisme ou le petit doute nĂ©cessaire pour faire croire que vous ĂŞtes trop con pour ne pas avoir atteint leur haut niveau de conscience. Certains imaginaient un totalitarisme violent et autoritaire. Nous en avons un qui est Ă  la fois condescendant et vicieux. De ce refrain constant du « ils sont trop cons pour comprendre ce qui est bon pour eux ».

L’irrĂ©vĂ©rence est pourtant le seul recours dans un monde oĂą les règles sont Ă©crites non pas pour rendre le jeu Ă©quitable mais bien truquĂ©. Je pense Ă  tous ces jeunes qui sont suffisamment intelligents, malgrĂ© le rĂ©el processus de mĂ©diocratisation, pour comprendre l’escroquerie. La vĂ©nĂ©ration volontaire, travaillĂ©e, exigĂ©e, par nos Ă©lites, est maintenant Ă  dĂ©fier pour oser imaginer notre propre sociĂ©tĂ© autrement.

Un premier pas avant de rĂŞver, peut-ĂŞtre, le reste du monde. Qui sera bien meilleur que ce qu’il nous est donnĂ© de constater Ă  l’heure d’aujourd’hui, malgrĂ© les Ă©bahissements des orateurs qui interprètent toujours tout comme si nous Ă©tions dans une sorte d’apogĂ©e civilisationnelle, lĂ  oĂą il n’y a que dĂ©cadence et corruption.

De l’influence.

Ce matin, une émission courte mais sidérante sur France Culture : « Comment encadrer le secteur des influenceurs ? »

C’est effrayant d’entendre ce genre d’Ă©missions, oĂą on valide des catĂ©gories comme si elles Ă©taient des vĂ©ritĂ©s… « Influenceurs » ça ne veut rien dire, c’est juste, Ă  la limite, du jargon marketing pour mettre une couche de vernis sur ce qui a toujours existĂ© avec la sainte profession de critique. Van Gogh n’a jamais Ă©tĂ© reconnu pour son talent du temps de son vivant, ce drame n’a pourtant pas inspirĂ© les forces publiques pour modifier cette tyrannie du bon goĂ»t qui tous les jours normalise l’injustice de la subjectivitĂ©. J’adore comment on dĂ©bute le propos en angĂ©lisant la profession de critique… Depuis toujours des critiques vĂ©reux ont menti Ă  leur public en faisant les beaux jours de leurs commanditaires, jamais il n’a Ă©tĂ© question d’encadrer malgrĂ© tout ces professions liĂ©es Ă  la « recommandation », et je ne parle mĂŞme pas des politiques qui ne respectent pas leurs promesses et leur programme. Je ne parle mĂŞme pas de la publicitĂ©, car en rĂ©sumĂ©, ce qui est reprochĂ© aux « influenceurs » c’est donc bien d’en faire de manière « inapropriĂ©e ». Comme si la publicitĂ© Ă©tait depuis toujours loyale et objective, jamais mensongère et manipulatoire.

La libertĂ© ce n’est pas donner des moyens de contrĂ´le, c’est contrevenir aux abus. Quand on veut prĂ©venir les choses en crĂ©ant des organismes ou des lois chargĂ©s de le faire, ça n’engendre que de la corruption ou des abus de pouvoir, de la censure et le tapis rouge Ă  la propagande. Mais c’est peut-ĂŞtre le but, hein ? Sous couvert d’agir pour l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral et le bien des imbĂ©ciles, on se dĂ©brouille pour lĂ©galement verrouiller l’accès Ă  ce qui aura droit de parole.

ArrĂŞtez de vouloir imposer aux gens quoi penser, quoi vouloir, quoi rĂŞver, ce n’est pas de la raison, c’est du totalitarisme. Informez loyalement, non Ă  coups de propagandes tĂ©lĂ©guidĂ©es par des intĂ©rĂŞts privĂ©s, marchands, qui justement rĂ©duisent des individus Ă  n’ĂŞtre considĂ©rĂ©s que comme des « consommateurs », terme suremployĂ© dans cette Ă©mission.

Pas la peine de crĂ©er des commissions ou des organismes pour « contrĂ´ler » et « valider » ce qui demeure, dans le cadre d’un rĂ©seau social comme Youtube, un acte d’expression personnel (car ici on n’entend que la partie commerciale, mais quid du discours politique, systĂ©mique ?). DĂ©velopper l’esprit critique par la connaissance et la rĂ©flexion devrait ĂŞtre la solution proposĂ©e, pas cette vision qui rĂ©duit l’individu Ă  une sorte d’animal stupide… si stupide qu’il faille avant tout limiter son choix et sa libertĂ© du fait de son incapacitĂ© d’en faire bon usage.

Derrière cette fausse thĂ©matique de l’influence, il y a la tragĂ©die banale d’un consumĂ©risme dĂ©signĂ© comme seule ambition existentielle. Si une personne immature regarde un contenu produit par une autre personne immature, il suffit de circonvenir Ă  cette immaturitĂ©, pas enfiler un collier de dressage Ă  leurs cous pour les contraindre comme des bĂŞtes.

Une Ă©mission qui dĂ©bute bien avec le rappel sain que le service public doit « éduquer ». Dommage que ça se termine en une Ă©nième version d’Orange MĂ©canique.

Au niveau rhĂ©torique, c’est quand mĂŞme un cas d’Ă©cole… je me demande si je ne vais pas finir par faire du dĂ©corticage sĂ©mantique et sĂ©miologique pour dĂ©montrer la malhonnĂŞtetĂ© du propos. Enfin, c’est toujours le mĂŞme processus : on prend un cas prĂ©cis qui est transformĂ© en « stĂ©rĂ©otype » pour se donner l’occasion de crĂ©er une loi qui permettra de dĂ©border, un peu, sur sa mission première. « Il va falloir », « contrĂ´ler », « Digital Service Act », « Signaleur de confiance »… tout un chouette programme Ă  venir.

Allez, la vidéo, que je viens de regarder pour la quatrième fois, histoire de bien me faire mal.

Exemple d’Usine marĂ©motrice

Écoutant ce matin, un peu contrit et beaucoup navrĂ©, le chaos autour de la crise Ă©nergĂ©tique que nous traversons (qui, attention, Ă  deux visages : il y a une crise du marchĂ© de l’Ă©nergie, encore et toujours en proie des phĂ©nomènes spĂ©culatifs (qui sont un flĂ©au dont nous payons littĂ©ralement le prix fort) et une crise de la production de l’Ă©nergie avec les consĂ©quences nĂ©fastes d’une totale incompĂ©tence politique sur le sujet (Ă  vĂ©rifier, mais apparemment nous payons 6 millions d’euros pour une heure d’Ă©nergie importĂ©e, principalement d’Allemagne qui a boostĂ© pour le coup une des sources de pollution les plus terribles, ses usines Ă  charbon).

Alors, je voudrais juste faire Ă©cho Ă  ce que j’Ă©voque depuis des mois sur ce site et ailleurs, l’alternative de la production d’Ă©nergie via des solutions se basant sur une logique marĂ©motrice. Je ne considère pas que l’exemple dont je vais parler et la seule solution par ailleurs, je pense qu’il y a certainement d’autres possibilitĂ©s Ă  venir et Ă  imaginer (surtout pour les zones littorales) mais c’est dĂ©jĂ  une dĂ©monstration d’une Ă©nergie verte, constante et parfaitement fonctionnelle. Il y a quelque chose de navrant Ă  ne voir, toujours, qu’une stupide opposition entre l’Ă©nergie nuclĂ©aire et la solution Ă©olienne… mais il est comprĂ©hensible que dans le cadre de lobbys il vaut mieux, toujours, crĂ©er un narratif manichĂ©en pour choper des parts de marchĂ©.

Allez, exemple de l’Usine de la Rance, dispo sur le site d’EDF, Ă  dĂ©couvrir pour imaginer et explorer d’autres pistes pour notre pays riche de sa position gĂ©ographique et de son capital naturel (Ă©cosystème).

Les papillons noirs d’Olivier Abbou

Il est des fois terribles qui m’obligent Ă  sortir de mon ego trip pour rendre un peu au reste du monde. Et bien que j’ai dĂ©jĂ  oeuvrĂ© ce jour en cette terre digitale, je me dois de revenir pour rendre un vibrant hommage Ă  la sĂ©rie d’Olivier Abbou, disponible sur Netflix, qui est tout simplement magistrale (apparemment c’Ă©tait diffusĂ© sur Arte Ă  la rentrĂ©e, mais vu que je ne regarde quasiment plus la tv, je l’aurais manquĂ©e). Magistrale, c’est le bon mot, je n’exagère rien… mĂŞme si c’est un tantinet ma nature, pour le coup c’est mĂŞme parfaitement adaptĂ©. Tout, absolument tout, me semble parfait, si la perfection est une notion qu’on peut aplanir un peu pour la rendre accessible Ă  nos valeurs de simples mortels. Pourtant je suis tatillon, par exemple je ne crois pas qu’on puisse en 28 kb envoyer un texte relatant des aveux Ă©crits durant des heures, c’est mon petit cotĂ© technicien des mĂ©dias qui pour le coup a notĂ©, mesquinement, la chose. Pour le reste, pour cet infime dĂ©tail tellement mineur que j’avoue ressentir un peu de honte Ă  l’avoir citĂ© (mais fallait bien que j’Ă©tale un peu de conficulture marketing au passage), tout est du très haut niveau. L’histoire ? GĂ©niale. L’actorat ? Digne d’une production cinĂ©, on s’attache et on s’arrache en suivant des protagonistes Ă  la fois complexes, humains, faillibles, crĂ©dibles dans leur odyssĂ©e tĂ©nĂ©breuse. La mise en scène ? Ludique et crĂ©ative, il faut vraiment avoir le petit doigt en crise de sciatique pour oser Ă©mettre des rĂ©serves ou des minables haussements de sourcil. La musique, l’image, le son, les Ă©clairages, le dĂ©coupage, le dĂ©cor, tout est vraiment admirable. Allez, pour moi qui ait vĂ©cu un peu dans les seventies et beaucoup dans les eighties (et oui, je suis vieux ou immortel au choix – mes enfants commencent Ă  pencher pour la seconde solution mdr), il y a un peu de la caricature dans certains flashbacks… mais encore, vu qu’une des thĂ©matiques tient de la manipulation via la narration (un sujet bien d’actualitĂ©, si j’ose dire), ça tient la route tant la dimension Ă  la fois onirique mais aussi fantasmatique du rĂ©cit fait partie de la trame mĂŞme de l’intrigue.

Non, je n’ai rien Ă  dire, j’ai adorĂ©, et pour tout avouer, je n’avais pas autant adorĂ© une sĂ©rie depuis les sermonts de minuit de Flanagan en dĂ©but d’annĂ©e. Après, je ne suis pas très sĂ©rie, il faut vraiment que ça m’accroche pour que je la suive et surtout que j’en vois le bout. LĂ , y a 6 Ă©pisodes qui se dĂ©vorent, qui se dĂ©gustent, comme un grand cru trouvĂ© par hasard au rayon promo d’un supermarchĂ© lowcost. Pas que je critique Netflix, au contraire mĂŞme, je regrette cependant que la qualitĂ© globale ne soit pas au niveau de cette production française qui rend fier de ses crĂ©ateurs, Olivier Abbou et Bruno Merle.

L’histoire, rapidement car je ne veux pas divulgacher quoi que ce soit, nous raconte la rencontre entre un Ă©crivain souffrant de la malĂ©diction de la page blanche et un vieil homme, pur quidam, qui le missionne pour Ă©crire ses mĂ©moires. Le doux retraitĂ© Ă  la mèche toujours romantique est jouĂ© par Nils Arestrup, parfait, et l’Ă©crivain par Nicolas Duchauvelle qui livre, Ă  l’instar de l’intĂ©gralitĂ© du casting, une grande prestation (mais la sienne Ă©tait tout de mĂŞme si pĂ©rilleuse qu’elle ne peut susciter qu’un profond respect). Après, ça part rapidement en vrille quand le vieillard se prĂ©sente, au fil des souvenirs, comme un tueur en sĂ©rie que la justice n’aura jamais rattrapĂ©.

Je ne dirais plus rien, il ne faut d’ailleurs rien sourdre du reste, tant la narration est un miracle de mĂ©canique scĂ©naristique. Souvent, je peste Ă  voir soit les fils du marionnettiste ou des procĂ©dĂ©s archĂ©typaux avec de la psychologisation Ă  la petite semaine (« Oh, le vilain psychopathe ! »). MĂŞme de ce cotĂ© lĂ , la fin est Ă  mes yeux merveilleuse tant les auteurs ont saisi la fine limite entre le monstrueux et le sublime. L’Ă©change final, entre le vieillard et l’objet de sa passion, est en soi un bijou, l’illustration fine et belle de ce qu’on pourrait, humblement, considĂ©rer, comme le vĂ©ritable amour. Allez, j’avais pas autant pris mon pied, sur la question, depuis la fin de Max et les ferrailleurs ou Quelques jours avec moi du gĂ©nial Claude Sautet (que j’adore, comme on le devine amplement).

Aimer tient-il du contrat social ou de la sublimation des sentiments ? Vous me ferez 6 pages, je ramasse dans deux heures.

Je pourrais me faire plaisir Ă  expliciter toutes les raisons qui font mon enthousiasme, mais vu que rĂ©cemment j’ai encore Ă©tĂ© victime d’un critique empressĂ© de vouloir dĂ©montrer son extrĂŞme finesse aux dĂ©pens de mon plaisir de spectateur, je ne dirais plus rien (sauf sous la torture ; ce n’est pas pour rien que j’ai clos les commentaires). Les Papillons noirs c’est juste un coup de maĂ®tre, c’est un chef-d’oeuvre, et je n’ai pas peur ni de l’Ă©crire ni de le prĂ©tendre, car si je dois manifester mon enthousiasme pour rendre justice Ă  cette sĂ©rie magnifique, ce n’est plus de l’ordre de l’utilitĂ© mais bien du redevable hommage.

Sur ce, en dessous le trailer, et re-bon dimanche !