Bon voyage Eric Legrand

Triste jour que celui où j’apprends, presque par hasard, la mort du comédien Eric Legrand. Alors la majorité des messages d’adieu de ses très nombreux aficionados a salué sa prestation en tant que doubleur de Végéta, le personnage de Dragon Ball Z, mais ce serait ignorer le véritable talent de ce comédien dont le timbre et le phrasé étaient tout simplement une forme de sublimation de la langue française.

Eric Legrand, c’était une voix de velours, une voix sublime, une musique noble et belle, pouvant rivaliser d’outrance comme de finesse. C’était pour moi une des plus belles voix du doublage, et j’ai l’immense regret de n’avoir pas pu assister à une prestation du comédien en dehors de cet art véritable, enfin reconnu, qu’est le doublage, bien que je l’ai identifié, très jeune, alors que j’avais 15 ou 16 ans dans un film avec Jugnot et Auteuil, alors qu’il jouait un employé de banque pris en otage. J’étais fasciné par le talent de cet acteur dont la voix, le phrasé, étaient pour moi l’incarnation de l’élégance et de la noblesse. Alors que je créais mes premiers personnages de fiction, j’avais décidé que cette voix serait celle de mon Odysseus, que j’imaginais intelligent, torturé, et très élégant. Une voix qui reflétait son panache et sa finesse, une voix mélodieuse, douce, toute de délicatesse et de caractère.

Comble de l’ironie, aujourd’hui je suis sorti avec mes gosses qui n’en sont plus, et sur la clé USB de ma voiture, j’ai eu la surprise de découvrir que j’y avais enregistré le générique de Capitaine Flam, avec la voix non moins sublime de Dominique Paturel récitant avec un talent inégalable la célèbre introduction. J’ai donc rendu hommage à Dominique Paturel, déclarant à mes gosses toute l’admiration que je ressens pour ces comédiens géniaux qui ont, par leur talent et leur générosité, conféré une part d’eux-mêmes à tous ces personnages de fiction, une étincelle d’âme à laquelle je suis et je reste profondément sensible. Et ce soir, découvrant le décès d’Eric Legrand, je ne peux que ressentir de la mélancolie en songeant à tous ces artistes qui nous ont récemment quitté.

Merci à vous tous, Eric Legrand portait si bien son nom, et j’espère un jour pouvoir vous témoigner, quand ce sera mon tour, toute ma gratitude pour ces moments de bonheur que j’ai vécu en votre compagnie. Vos voix résonnent en moi, j’entends la particularité de vos timbres mélodieux et bien que la mort soit une délivrance, je ressens de la tristesse à me dire que pour vous entendre à nouveau, je ne pourrais plus que m’en retourner à ce qui ne sera dès à présent que des archives. Je me ferai ce WE le duel entre Ikki et Shaka, alors que l’immense Henri Djanik rivalise de talent avec un jeune Legrand qui joue avec une justesse géniale celui qui incarne un ange terrible, infaillible, imperturbable, face à un homme bestial, faillible, désespéré. Parmi toutes ses prestations, c’est le Shaka de l’épisode animé par Araki qui à mes oreilles restera une magistrale démonstration de son immense talent, unanimement reconnu. Ou Seiya dans le troisième film avec Abel… Quand le personnage se révolte et dit « mais alors dites-moi, dites le moi… Pourquoi ce serait-on battu comme des fous ? Pourquoi ? »

Impossible de ne trouver qu’une pépite dans le parcours d’un être qui était par son talent un inépuisable filon… Bon voyage Eric Legrand, une prière pour toi, mais je sais que la beauté dont tu auras été prodigue toute ton existence aura sa récompense là où tu es parti.