Quelques jours avant le second tour des législatives et dans les médias les projections et les Cassandre(s) se disputent toutes les théories et les analyses concernant la suite des événements.
J’ai écrit moult billets depuis quelques semaines qui pourrissent dans la section des brouillons de ce site. Dans l’un d’entre eux je me risquais à la métaphore en disant simplement que pour retrouver la santé tous les régimes possibles ne sont guère utiles lorsque vous vous trouvez dans un bolide dont vous n’avez pas le volant. Mais à vrai dire, je pense que le problème politique, démocratique, économique que nous traversons est, dans la configuration systémique qui est la notre, insoluble.
Ce matin, j’écoutais un fervent défenseur de la démocratie représentative… D’ordinaire, je suis davantage habitué à ceux qui la souhaiteraient davantage participative. Nous sommes dans un moment de tumulte pendant lequel chacun donne son opinion, sa vision des choses, sa solution, son remède, son expédient. Quoi qu’il se passe dimanche, nous serons dans la continuité d’une phase de révélation qui s’est entamée à l’issue des élections présidentielles en 2022. Il n’y a pas de mouvement révolutionnaire en marche, il n’y a, de gauche comme de droite, en exceptant de traiter chacun d’extrême, qu’une molle intention réformiste.
Quelle chose merveilleuse que la réforme. Allez, perdons quelques secondes précieuses à analyser le mot. Re-former, en résumé, donner une nouvelle forme à une chose qui nécessitait d’en changer. Ce qui m’amuse toujours avec la réforme, c’est qu’elle contient en elle, par un abus dogmatique, l’idée qu’elle est toujours un progrès. Sérieusement. Et dans notre système au sophisme triomphant, la réforme devient un levier puissant pour valider une idée sans vraiment faire la démonstration des arguments. C’est comme ça que depuis des années ont été détricotées de très belles choses pour d’excellentes raisons, en donnant les récoltes minables ou les pires conséquences, sans que jamais ne soit remis en cause l’abus de la réforme pour la réforme. De la malédiction de la conviction qui en politique fait qu’on puisse endetter un pays pour 30 générations en prétendant l’avoir messianiquement sauvé.
Quoi qu’il arrive, qu’il y ait un pourrissement ou des ajustements à la marge, rien ne va changer. Le signe qui détermine mon pessimisme ? La stabilité de la bourse qui après une période d’angoisse s’est vite rassérénée.
Certains veulent y croire, un peu comme si nous nous trouvions à la veille d’un grand matin. Vous êtes sommés de choisir votre camp. Mais plus que jamais, à mes yeux, il n’y a pas de salut dans ce que j’entends. Le piège de nos sociétés libérales, c’est que la solidarité, la volonté même de construire une société humaine fonctionnelle visant le bonheur collectif, arrive en queue de peloton derrière les intérêts personnels. Les intérêts de classe, les intérêts électoralistes, les intérêts à la bourse, en bref des agios comptables, très personnels.
Donc j’irais voter, marionnette de plus dans un théâtre bien organisé. Après, il sera intéressant de voir les postures et les impostures que vont révéler les votes, les projets de loi, les discussions. La politique française s’est totalement décrédibilisée depuis un demi-siècle, dans l’indifférence générale. Il reste à espérer que cette fois le peuple, cet entité très fictive, prenne conscience de l’énormité du propos démocratique. Il y en a encore, beaucoup trop, qui sont dans l’euphorie d’une apothéose civilisationnelle. Et tous ceux qui douteront seront classés impitoyablement dans une catégorie spécifique qui suffira à balayer tout moment de réflexion, voire de conscience. Il n’y a pas de bons et de méchants. Ils s’insultent tous entre eux, ils se traitent tous d’une manière ou d’une autre, en bref le débat n’est permis qu’avec les pratiquants d’une même chapelle ou ça tourne à l’ordalie. Dans cette manière de faire, il n’y a d’ailleurs plus d’élégance élémentaire ; taper à plusieurs est encouragé voire souhaité, car ça permet de satisfaire la foule romaine qui se presse au colisée médiatique. L’important c’est vaincre, la faim justifiant les moyens.
Que restera-t-il de toute cette incandescence ? Des cendres grises et froides ou des braises qui attendent de faire de grands brasiers ? Dans la chaleur d’un été qui commence, il y a fort à croire et à craindre que tout sombre, avant la rentrée qui promet d’être très tumultueuse, dans une mollesse de saison. Après, la Bastille est tombée en juillet, tout est possible, mais je crains encore qu’à autre époque, autres mœurs. Le point de bascule est encore loin, loin à l’horizon. Personne n’y est vraiment prêt, et je me demande même si la majorité le veut. Nostalgique des années où la France suivait les rails d’une autonomie qu’une élite humaniste avait voulu, certains voudraient revivre les mêmes heures en conservant les avantages de la libéralité. Penser pour tous ou penser pour soi, nous en sommes là, et entre les dialogues de sourds et les monologues enfiévrés, bien que je passe pas mal de temps à écouter attentivement les logorrhées diverses et variées, rien qui me fasse annoncer aujourd’hui qu’il est reviendu le temps des cerises (ou alors sur le nez du clown – celui qui fait peur, pas l’autre !).
