Quel début d’année tonitruant ! Faisons un petit bilan réaliste, lucide et certes déprimant : la France est devenue au mieux une colonie, un pays dévasté économiquement et maintenant moralement par une volonté néolibérale à la fois méthodique et implacable. Une guerre économique qui a vu notre peuple, auparavant bienheureux car jouissant d’avantages sociaux le permettant, lentement mais sûrement miné par des « réformes » qui auront été autant de coups de bélier pour cause d’une nécessité toute relative. Un demi siècle de compromissions pour revenir à une injustice systémique qui vise à créer, pour reprendre les termes d’un parlementaire européen, des citoyens de première et de seconde catégorie. Deux catégories très distinctes : les riches et les pauvres.
Je suis si fatigué de la fatuité inévitable que beaucoup ont manifesté en se sentent si fier de faire partie de la classe « moyenne ». Se faire une fierté d’être « moyen », c’est quand même la preuve d’une médiocrité certaine… C’est surtout approuver qu’il y ait donc deux strates, une en dessous, pour se sentir bien lotis (par malsaine comparaison), et une au dessus, parce qu’il faut bien imaginer qu’on puisse encore monter un peu. Cette illusion là a fait long feu : la France, qui fut une terre de méritocratie après les déboires d’un début de XXème siècle voyant apogée des tensions et des névroses de celui d’avant, est revenue à ses vieux démons du népotisme et des privilèges. Souvent, pour tenter d’expliquer à mes enfants la réalité des choses, je dis que la France est une terre de péages, où chaque secteur nécessite des passe-droits et la triste constatation d’une chasse très et trop gardée. Une des conséquences de la désindustrialisation massive aura été de forclore toute possibilité de participer au jeu de la compétition économique, la centralisation réifiant l’enfer concentrique de Dante, en condamnant ses damnés à subir, en s’éloignant du centre, les affres de traversées du désert plus ou moins éprouvantes mais rarement heureuses. Nous en sommes à un niveau terrifiant… Et tant que la politique énergétique de l’Europe, une abomination anti-France, continuera de nous pénaliser, de nous détruire, il n’y aura pas de mieux. Pendant que le personnel politique et les médias continuent à jouer une diversion de moins en moins convaincante en nous maintenant dans des obsessions sécuritaires ou idéologiques, la clé d’une économie prospère repose sur l’énergie. La France avec son parc nucléaire, mais avec un peuple rendu apathique, possède encore un atout superbe, gâché jour après jour par une tyrannie idéologique qui voudrait nous faire adhérer à une Europe des peuples alors qu’elle n’est qu’une place de marché ouverte à tous vents et surtout propice à la fuite massive de capitaux. En ce début d’année, silence général des médias qui taisent le désastre économique avec un niveau de faillite d’entreprise à son paroxysme. Mais la désillusion est là, la faillite serinée méthodiquement outrageusement mise sur le dos d’un peuple lascif et velléitaire. Franchement, l’indignité n’est pas une question d’offuscation, comme nous l’avait jouée avec intensité un président pris à parti pour ses financements occultes… l’indignité c’est organiser la misère est la mettre sur le dos de ses victimes en se nettoyant les molaires grasses de caviar avec un cure-dent en or. Oui, en 2025 mon goût pour la métaphore extrême va encore se manifester avec la démesure qui est dans l’air du temps.
Et maintenant qu’est fait le constat de cette triste réalité de moins en moins dissimulée derrière le narratif médiatique (dont les pubs sont devenus l’illustration du décalage entre cette idée névrotique d’un bonheur consumériste et la réalité d’une tiers-mondisation accélérée), l’attente commence. L’attente d’un changement, d’une révolution, d’un renouveau, le sursaut nécessaire avant la nécrose fatale. Nous l’avons bien fait, il y a plus de deux siècles de ça, dans le sang et la fureur, pondant une constitution qui demeure un grand moment d’ivresse humaniste, pour peu qu’on adhère vraiment à une sincérité du propos. Mais il y a deux siècles de ça, nous n’étions pas réduit à n’être que de simples individus consuméristes et cyniques. Nous formions un peuple, une masse de gens inéduqués mais avec la conscience des inégalités et des injustices gravée par des siècles d’esclavage dans la peau dure, dans la chair fouettée par l’exploitation sans vergogne instituée comme moteur économique. De nous jours modernes, vas-y pour susciter la solidarité dans cette masse d’individualités qui ne songent qu’à son petit plaisir ou son petit souci. Perdus dans nos petits combats, tenus dans nos petits et grands soucis par un système qui nous intime de tout régler tout en nous maintenant la tête sous l’eau ou dans le guidon… Vas-y ! Diviser pour régner, ou le règle du Diable, le grand divideur, nos sociétés en sont la terrifiante démonstration. Quand j’entends les chantres des lendemains qui chantent, qui invoquent les révolutions et le retour du Peuple, c’est dans l’incantation et non la conscience que tout commence, tout débute, par la solidarité élémentaire. Tant que tu parleras de classe moyenne, tant que tu ne comprendras pas que tout commence en incluant dans ta lutte le petit et le démuni qu’on t’a appris, encore méthodiquement, à mépriser, à honnir, à marginaliser, alors tu peux toujours attendre tes nouveaux gilets jaunes et tes prises de la Bastille. Rêver ça ne coûte rien, se perdre dans des vieux schémas en misant sur la répétition de l’Histoire c’est une facilité qui consiste à interroger la sœur Anne en connaissant déjà la réponse.
Reste l’espoir, malgré ce début de billet pas très optimiste mais, je vous le jure, très réaliste, qu’une énergie nouvelle, qu’une volonté puissante, naisse de tout ça. Hier, je matais un média alternatif où des commentateurs se plaisaient à dénoncer l’inertie de la jeunesse actuelle. J’ai trouvé le constat cruel, sévère et surtout injuste. Oui, nos jeunes ne manifestent pas la volonté puissante de contribuer à un système dont ils découvrent l’imposture. Oui, ils ne veulent ni souffrir ni suer pour que d’autres profitent de leurs efforts en leur accordant des miettes. Ils sentent l’escroquerie, ils jouent aussi de l’hypocrisie d’un discours qui intime à la responsabilité en interdisant les moyens de l’obtenir. Car la dévastation actuelle va être payée essentiellement par ces générations de jeunes adultes qui débarquent dans une France rendue miséreuse par des générations de jouisseurs irresponsables. Je suis un peu dur, car la faute en revient principalement à une « élite », précieuses guillemets, qui a trahi son peuple consciencieusement et comme je le dis souvent, méthodiquement. Une escroquerie générale qui a transformé un état en tenancier, en geôlier, n’assurant plus la liberté de son peuple mais bien sa domestication et son exploitation. Pour commencer, cette jeune génération va devoir prendre conscience du piège d’un hédonisme vain dans lequel ils ont parfois baigné toute leur enfance. On leur a vendu un monde de mérite et de justice social, ils vont devoir comprendre qu’il va leur falloir le construire ou l’obtenir des griffes de ceux qui ont les rênes et qui ne sont pas prêt de vouloir les lâcher.
En 2025, il va falloir réapprendre à se battre. Pas forcément pour gagner, mais déjà simplement et positivement pour résister. C’est un peu le constat final d’une époque durant laquelle l’individu aura été contraint à constamment choisir son camp dans des luttes qui dans le fond ne le concernaient pas vraiment… mais qui avaient la saine vertu d’anonymiser cet autre qui était pourtant leur frère immédiat. Des décennies que des agriculteurs se suicident dans l’indifférence générale d’un peuple qui se rend pourtant dans les grands temples de la consommation pour obtenir sa subsistance. Dans la conscience de cette vérité intolérable se niche le changement tant attendu, l’espoir vital et nécessaire. Refuser la misère de l’autre c’est retrouver la fraternité perdue. Arrêter avec ces révolutions bourgeoises pour retrouver un humanisme inspiré et inspirant qui relève l’autre plutôt que de lui marcher sur la gueule.
Quand c’est sa survie qui est en jeu, l’être humain voit souvent sa conscience s’animer d’une belle et saine lueur. C’est là que se trouve l’espoir qui suinte dans l’agacement, dans la sourde colère, dans le ressentiment grondant qui naissent des injustices cumulées d’un système à la corruption tacite. Faire peuple c’est faire fratrie, avant toute choses. En 2025, le narcissisme vain et l’égocentrisme creux deviennent de plus en plus les stigmates d’une perdition systémique. Plus que jamais, l’élan de vie demeure dans l’action de sourire à l’autre… en résistant à la brute.
